Extrait du journal d’un chien testeur — “Ce que le sac ne montre pas”
Jour 342 Je m’appelle Max. Mais ici, on m’appelle “lot expérimental numéro 22-B.” J’ai vécu dans un laboratoire pendant trois ans. C’est long, trois ans, quand tu ne vois jamais la lumière du jour. Quand ta vie se résume à des gamelles chronométrées, des prélèvements à la chaîne, et des regards vides en blouse blanche.
Ici, personne ne parle à un chien. On te dose, on te pèse, on t’observe. Tu tousses ? On note. Tu vomis ? On encercle sur un tableau. Tu refuses la croquette numéro 247-F3 ? On force. Pas parce qu’ils t’aiment. Parce qu’ils veulent prouver que même le plus rebutant des sous-produits peut “passer” comme nourriture.
Et pendant que je mastiquais des granules trop cuites bourrées d’additifs, on me regardait sans émotion. Les “experts.” Les “nutritionnistes.” Certains étudiaient en silence, d’autres plaisantaient. J’ai entendu un jour un chercheur dire que mes selles étaient “idéales pour les statistiques, mais nulles pour le confort.” Il a ri. Moi, j’ai continué à souffrir.
Ils disent que les croquettes sont “complètes,” “formulées scientifiquement,” “optimales.” Dans la vraie vie, elles sont testées sur nous. Par des gens payés pour rendre les chiffres jolis, pas pour comprendre nos douleurs.
Il y avait Rex aussi. Un vieux labrador, assigné au protocole des croquettes enrichies. Il a fait trois crises de foie en deux mois. Ils ont changé la formule, pas pour le sauver. Pour garder le taux de mortalité en dessous du seuil de publication.
Et tout ça, pourquoi ? Pour les profits.
Ces fabricants, ils ne vendent pas que des croquettes. Ils possèdent les cliniques vétérinaires. Les laboratoires. Les assurances. Le jour où ta croquette provoque une dermatite ou des problèmes digestifs, ils gagnent encore — à travers les traitements, les shampoings spécialisés, les régimes médicaux... fabriqués par la même compagnie.
Un cycle fermé. Un empire d’emballage brillant. Sur le sac, un golden retriever heureux court sur un champ de blé. Moi, j’étais enfermé dans un sous-sol carrelé, nourri au maïs et au colorant E250.
Je suis sorti depuis. Je vis avec une humaine formidable qui m’a sauvé. Elle m’a donné un vrai repas. De la viande. Du cœur. Des os charnus. Et du respect.
Si tu lis ça... si tu nourris un chien... regarde la gamelle. Regarde le sac. Et demande-toi : est-ce que ce qu’il mange lui ressemble ? Est-ce que ce que tu achètes nourrit sa vie... ou les poches de ceux qui l’ont déjà trahi en laboratoire ?
Moi, j’ai survécu. Pas tous.